Passager (création 2007) |
Intentions de la première mise en scène
« Passager reprend à son compte la règle des trois unités : lieu, temps et action. Elle emprunte aussi à la tragédie sa mécanique de précision où chaque sentiment, chaque émotion est passée au crible du langage. Pour figurer cette joute verbale, la scène se transforme en ring ou en arène. Le spectateur est au plus près des comédiens. A l'image de Véronique, le public "mène l'enquête". Combat de boxe ou tauromachie sentimentale, cette mise à mort de l'amour est d'autant plus déroutante qu'il s'agit d'un crime sans cadavre. Pas de pathos pourtant dans une mise en scène qui aimerait ressembler à une "petite musique de chambre", légère et grave, douce et amère.
Les deux acteurs évoluent dans un décor minimaliste dont les lignes géométriques à la Mondrian soulignent la tension entre l'ordre établi et le désordre des sentiments.
Les jeux d'ombre et de lumière sculptent l'espace pour mieux exprimer la sensation de confinement qu'éprouve Serge, son envie de fuir sans se retourner, sans s'expliquer tant il est vrai que justifier la séparation s'apparente à une démonstration par l'absurde…"
Le rythme est également un élément clé de notre travail. "Cette tendre guerre" ménage des cesser le feu où les combattants reprennent leur souffle, des silences comme autant d'appels d'air pour ne pas se noyer. La musique qui ponctue les échanges participe à cette respiration où le couple retrouve sa complicité passée, îlots d'accalmie au milieu du raz de marée qui les submerge. »
Violaine Chavanne
Interview publiée dans le Journal du Théâtre Pixel, avril 2007
JTP Pourquoi ce titre : Passager ?
R. Veneau Je cherchais depuis l’origine un titre qui puisse effleurer la question de la rupture, sans l’épouser ni l’épuiser. Passager s’est lentement imposé, au fil de l’écriture. Car rompre, qu’est-ce finalement, si ce n’est passer de l’éternité au momentané ? Si ce n’est ramener un partage à un simple passage ? Si ce n’est traiter l’autre non plus en compagnon de vie, mais en fugace passager de l’existence, plus ou moins clandestin et de toutes façons expulsé ?
JTP C’est votre première pièce à être rendue publique ?
R. Veneau Pas tout fait. Parmi mes pièces de théâtre, j’ai eu le grand plaisir que l’une d’entre elles soit créée par Jean-Marie Villegier lors du festival « Théâtrales du Velay », en juillet 2002. Depuis cette date, je n’ai jamais eu l’occasion de revoir Jean-Marie Villegier. S’il lit cette interview, à tout hasard …
JTP Quels sont vos sentiments sur la mise en scène de Passager ?
R. Veneau Je dois avouer que j’ai ressenti une certaine surprise, pas désagréable au demeurant, lors des premières répétitions. J’avais écrit cette pièce comme on tente une expérience : il s’agissait d’explorer l’instant exact, qui précisément dure bien plus qu’un instant, où deux cœurs s’apprêtent à rompre. L’idée était de prendre le contre-pied des arts classiques, qui escamotent le plus souvent ce moment-là, et de plonger directement la plume dans la plaie. Le résultat de cette expérimentation naturaliste me semblait plutôt cruel, la cruauté étant considérée en l’espèce comme l’une des ruses de la justesse.
Et j’avais tort. C’est ce que j’ai découvert en voyant répéter les Ours de Compagnie. Cruelle, cette pièce ? Grinçante plutôt. Mais surtout tendre, presque malgré moi. Triste ? Pas vraiment. Jamais apitoyée en tout cas. Et drôle. Oui, drôle : j’ai ri de bon cœur devant le jeu des acteurs. Au risque d’un certain ridicule, lorsque vous êtes à la fois l’auteur des phrases qui vous mettent en joie et l’unique spectateur d’une salle encore vide …
JTP Vous êtes vous inspiré d’une situation réelle ?
R. Veneau J’insiste : cette pièce représente à la base une tentative naturaliste. Alors oui, bien entendu, puisqu’il s’agit d’imiter la nature au plus près, le texte a pour ambition de correspondre à une situation parfaitement réelle. Ou plus exactement, à mille situations réelles. C’est en ayant conscience du nombre de ces situations concrètes auxquelles se réfère son propos que ce texte aspire à l’universel.
JTP Le taboulé, c’est important dans votre vie ?
R. Veneau Vous avez raison, j’allais oublier l’essentiel : Passager vaut surtout pour ses recettes de cuisine. Offertes gratuitement avec le spectacle. Pardon : pendant le spectacle.
Pour en savoir plus...
http://www.dev.theatre-jeune-public.com/spip.php?article581